Il faut un peu de temps pour « sentir » l’esprit d’un nouvel endroit. Surtout quand cet endroit est à la fois galvaudé dans un imaginaire collectif fait de publicités, de films de surf et de reportages tournés juste dans le bon angle, mais aussi mélangé avec « notre » pacifique à nous francophones :Tahiti.
Hawaii n’est pas Tahiti et Tahiti n’est peut être pas le Tahiti imaginaire..- Hawaii c’est volcanique, c’est bête à dire mais ça influe sacrément sur la géographie. En gros, une montagne au milieu de l’eau. Quelques îles, pas des centaines. Deux versants, Nord et Sud, au Nord, il pleut tous les jours, la côte est déchirée, la végétation luxuriante. Au Sud, les plages de sable se succèdent, l’herbe- hormis les golfs- est cramée et quand il pleut au Nord on voit de jolis arc-en-ciels.
On a commencé par le sud puisque c’est là que Stéphane avait son congrès, c’est aussi là que s’agrègent les hôtels. Venant des USA, dépaysement minimum. Le long de la route les plages fréquentées par les locaux déroulent leurs vaguelettes bleues turquoises, la photo peut être jolie mais elle ne transmettra pas l’incessant passage des voitures…C’est finalement dans les zones « à touristes » que l’on trouvera de jolies petites criques. Le corail est beau, l’eau aussi, on est presque seuls. Les « resorts » se sont accordés pour décourager les vacanciers d’aller se baigner en mer. (Oui à Maui les gens viennent et se baignent en piscine!!), les dangers sont affichés, rappelés, soulignés: requins, méduses portugaises, lames de fond, shore-break.. et les plages ne sont pas surveillées.
Sur cette partie de l’île, oui le soleil est brillant mais il est difficile de trouver un autre esprit que celui du consumérisme. Quoique les plages ne sont pas payantes, c’est toujours ça de pris!
Plus loin,il y a le nord. Évidemment avec une côte de lave et de la pluie journalière, c’est un peu moins facile à vendre, donc c’est un peu moins vendu. Ca fait une semaine que l’on traîne dans cette partie, on y a trouvé les paysages de « LOST », les maisons brinquebalantes où un vieux chien regarde des enfants pieds nus jouer au ballon, des fruits qui tombent des arbres. Les fleurs si différentes, si charnues, au parfum sucré et entêtant. Les nuages, le soir, qui bourgeonnent au milieu des étoiles tropicales. Il n’y a qu’une « vraie » plage de sable, Hamoa beach, elle a quelques vagues pour amuser les filles ( Euh oui, ici les vagues c’est en hiver et les grosses c’est plus sur Oahu que Maui). Et puis on a rencontré des gens, on commence à trier entre les « locaux », les « installés » et les touristes!
Le local est Hawaiien ( logique), il a un vieux pick-up avec un vilain chien, une vielle planche de surf, dix à vingt kilos de trop, un arrière arrière grand père Roi et tour à tour le regard noir ou le geste d’aloha quand il croise le touriste. Les chiffres le donnent pauvre, connaissant de gros problèmes de drogue ( marijuana et ice), et clairement ayant de belles similarités avec les indiens de Narragansett sur la façon dont l’Amérique a pris soin d’eux.
Les « installés » ont un pick-up tout neuf, plusieurs planches de surf, un chien sympa et les yeux dans le brouillard. Ils ont trouvé leur paradis et sur la terrasse de leur maison, ça leur suffit. Ils ont souvent les moyens d’aller faire les courses à « Whole food »,et installent des panneaux solaires pour faire tourner le jacuzzi.
Et puis il y a les touristes, nous quoi. Et puis aussi ceux de Seattle, de Portland, ceux qui font le voyage de leur vie, ceux qui viennent ici et pensent peut être y rester ,- parce que au chômage depuis cinq ans, alors la misère moins dure au soleil- Les touristes qui font vivre les autres et qui défigurent un peu l’île, l’argent qui aide et qui noie, pas facile.
De tout cela, peu à peu se dégage un esprit, des gens gentils, qui prennent ce qui vient, une nature formidable, un océan omniprésent, la sensation quand même d’être « à part » du tourbillon du monde, loin, très loin.
Et puis, pour nous c’est l’entrée du sablier, les grains commencent à s’écouler, les engrenages sont en route, biaisant notre regard. Le retour. La foret tropicale appelle le bois Guilhou, les plages , Cabasson et Boucau, les locaux, notre localité à nous, et les panneaux en hawaiien le lointain basque.
On profite et on bâcle, plaisir mêlé d’attente. Un regret, stupide mais certain, n’être pas venus en bateau, n’avoir pas l’expérience dans notre corps, notre fatigue, dans l’accumulation des changements,de la distance si extraordinaire, de cet ailleurs si lointain. L’avion, en nous emmenant si vite, nous a volé ce sentiment du bout du monde, notre cerveau si malléable ne croit pas vraiment le globe qui montre un point au milieu du bleu.. La prochaine fois, ce sera à la voile…
La télé, Internet, nous ont aussi tronqué notre émerveillement. Les paysages, petites églises perchées sur un rocher, maisons teintées des modes d’Asie, coulées de lave noires sur la mer toujours bleue, images entrevues qui empêchent la vraie surprise. Reste la magie de la balade du soir où la pénombre redonne du merveilleux, où l’on se sent à nouveau étranger, où les yeux jaunes des mangoustes et les palmes des cocotiers nous imprègnent du Mana, l’esprit d’Hawaii.
Allez demain on récupère une « vraie » connection internet, je vous poste un roman photo!